Histoire: Timoumi, le diamant de Rabat

Tout Marocain a déjà entendu parler de Timoumi. De la bouche de son père, autour d’un farouche débat traitant du meilleur joueur que n’ait connu le Maroc, à la télévision… Si les générations précédentes qui ont eu la chance d’admirer le joueur sur les prés peuvent formellement attester du talent que renferme ce nom, les plus jeunes d’entre nous ne le perçoivent que comme une légende lointaine et mystérieuse, comme le héros d’un conte mythique et inconnu sur lequel ils n’ont réellement jamais pris la peine de faire la lumière. De Rabat à Mexico, du drame de sa blessure à la conquête du Monde, Soccer212 dépoussière les reliques du prodige de l’Empire Chérifien. Flashback. 

Timoumi Mohamed de son prénom, naît en 1959 dans une famille très modeste composée de trois frères et de deux soeurs. Il perd son père à l’adolescence et commence le foot à l’Union Touarga Sport, club de Rabat dans lequel il évolue de 1970 à 1978 en catégories jeunes. Par la suite il joue jusqu’en 1982 en équipe première avec qui il flambe et surclasse ses adversaires. Il a 23 ans lorsqu’il est repéré par le FAR, célèbre club militaire du royaume dans lequel il va exploser. Tout s’enchaîne, il brille sur la scène nationale avec son club et rafle de nombreux titres. En 1983, il remporte l’Or avec la Sélection aux Jeux Méditerranéens écrasant 3-0 la Turquie en finale. Enfin, 1985 sonne comme une année de consécration pour le club et le pays durant laquelle il remporte 2 titres majeurs: la Ligue des Champions Africaine (Coupe d’Afrique des Clubs Champions à l’époque) et le Ballon d’Or Africain.

Mais ces deux succès sont entachés d’un drame pour le joueur. Le 9 Novembre 1985, lors de la demi-finale retour en Coupe d’Afrique des Clubs Champions, Timoumi est victime d’un odieux attentat commis par Gamal, joueur du Zamalek. Le bilan fait froid dans le dos: rupture des ligaments de la cheville droite. Il ne jouera pas la finale que ses coéquipiers gagneront sans lui et à l’aube de la Coupe du Monde au Mexique à laquelle il devait participer, le Royaume retient son souffle. Le Royaume entier jusqu’aux plus hautes sphères…

En effet, la terrible nouvelle parvient rapidement aux oreilles du Roi de l’époque, Hassan ll en personne. En premier supporter des Lions il dépêche immédiatement Driss Moulay, l’un des meilleur chirurgien du pays pour soigner son bijou cassé. Une anecdote formidable cristallisant à elle seule le destin hors-norme de Timoumi.

Six mois après, le joueur fait son retour en sélection contre l’Irlande du Nord. Timoumi est très amoindri par son calvaire mais n’a qu’un rêve, hisser le drapeau Marocain très haut lors de la Coupe du Monde, prouver que le Maroc n’a rien à envier à ses voisins Algériens qui avaient fait l’exploit de battre l’Allemagne (RFA) en 1982. Animé par une détermination sans précédent, il ne cesse de clamer qu’il sera prêt pour le Mondial. Car le temps presse et les tests physiques effectués à quelques semaines de la compétition parlent en sa défaveur. Le pari est risqué mais la sélection finit par prendre avec elle dans ses valises le fantasque numéro 10.

Placé dans un vrai groupe de la mort composé de la Pologne, l’Angletere et le Portugal (ça nous rappelle quelque chose) la tâche ne s’annonce pas simple pour les Lions de l’Atlas. Pourtant, le Maroc impressionne et Timoumi n’y est pas étranger. Placé en meneur de jeu, il distribue, dribble, défend (le joueur était milieu défensif de formation) et son profil ultra complet bluffe les observateurs. Si durant ses deux premiers matchs contre la Pologne et l’Angleterre de Lineker le Maroc aura séduit, il ne parviendra pas à s’imposer devant se contenter par deux fois d’un score nul et vierge. Mais la troisième rencontre contre le Portugal sera bien différente et le Maroc emmené par Timoumi va élever son niveau de jeu.

11 Juin 1986, Guadalajara. Dans un stade chauffé à blanc, le Maroc aborde le dernier match de sa phase de poule et défie le Portugal. C’est sans doute l’un des matchs référence de la brillante carrière de Timoumi. Et pour cause, le technicien va époustoufler le Monde atteignant le sommet de son immense talent et pulvérisant toute résistance sur le terrain. Fort, rapide, vif, généreux…  les qualificatifs ne manquent pas pour décrire le joueur lors de cette rencontre, et en réalité, il faut surement l’avoir vécu pour comprendre. Le Maroc s’imposera 1-3 et Timoumi distillera un amour de ballon à Krimau sur le troisième but.

La suite, un grand match contre l’Allemagne malheureusement perdu dans les prolongations sur un but de Matthaus par coup-franc. Timoumi aura encore une fois marqué la rencontre de son empreinte par quelques jolis gestes mais ça n’aura pas été suffisant contre le futur finaliste de l’édition. Qu’importe, l’histoire était déjà magnifique pour celui qui ne pouvait plus marcher quelques mois auparavant. Le Maroc pouvait être fier.

Si la suite de la carrière de Timoumi est moins glorieuse, le joueur reste une légende Marocaine incontestée pour ces faits d’armes au pays et en Sélection. Signant en professionnel pour le club Espagnol du Real Murcie, le niveau de Timoumi ne cessera de décroître à partir de là, certains analystes voyant en son passage en pro comme une situation qu’il aurait mal géré sportivement et psychologiquement. Il reste néanmoins l’un des quatre joueurs Marocains a avoir été élu Meilleur joueur Africain et le Maroc n’oubliera jamais le dévouement et le talent de l’homme.

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