
Entretien avec Khalid Yassine, journaliste marocain de renom, passé par Medi1TV, BeinSports il nous fait le plaisir de répondre à une interview sans langue de bois.
Tu es une grande figure du milieu médiatique marocain, tu as vécu plusieurs époques de la sélection marocaine. Pour toi sur la dernière décennie qu’est ce qui a changé ? Qu’as tu remarqué comme améliorations structurelles et sportives ?
Pour moi ce qui a changé sur cette dernière décennie c’est tout d’abord l’implication de l’Etat, c’est vrai d’une manière directe et indirecte. Les infrastructures n’ont rien à voir avec ce que l’on pouvait voir avant, on a une vision beaucoup plus claire et plus professionnel même si tout est relatif. Dans la gestion du football c’est la volonté des instances marocaines de voir le football occupé la place qui lui convient et donc cela s’est répercuté sur le plan structurel au niveau de la Fédération, au niveau de l’Academie, sur le plan des centres de formation, des stades également, de la qualité du gazon même dans les petites villes et clubs de première division les pelouses sont de grande qualité. On a finalement compris que ce que l’on devait faire il y a 30 ans il fallait le faire maintenant et depuis les dix dernières années c’est le cas. C’est de bonne augure et ce n’est jamais trop tard pour le faire mais je pense que si l’on avait fait cela avant avec les moyens qu’on avait et les talents que l’on avait on aurait peut être pu atteindre une demi finale de Coupe du Monde bien avant étant donné que sur le plan humain on avait les qualités, on avait les joueurs, des équipes fortes, l’engouement et en ce moment nous rattrapons ce retard et il reste encore quelques éléments à travailler, les chantiers restent ouverts mais hamdulillAh.
Le milieu du journalisme sportif au Maroc est beaucoup critiqué pour son amateurisme depuis des années, que manque t-il ?
Ce qui manque au Maroc réellement c’est une volonté de rendre le milieu de la presse écrite ou autre performant. On a laissé pousser des organes d’informations aussi bien des radios, aussi bien des journaux, des sites mais sans qu’il n’y est vraiment des critères professionnels. Je pense qu’au niveau de la télévision il est temps que l’on ouvre la possibilité d’avoir des chaînes privées, c’est inacceptable qu’avec la richesse du Maroc et sa diversité culturelle et ses 12 siècles de civilisation que l’ont ait pas de chaînes privées, des canaux qui permettent d’apporter un produit qualitatif et qui apporteront de la diversification, de la compétition et qu’on puisse avoir des bouquets intéressants. On devrait prendre pour exemple l’Égypte qui a des retombées commerciales et publicitaires de folie, on peut retrouver8/10 sponsors pour chaque chaîne. Et je pense qu’au Maroc, la volonté politique n’y est pas. On ne peut pas parler de sport, de football sans qu’il n’y est un accompagnement médiatique.
Parlons sportif. Qu’as tu pensé du parcours de nos Lions de l’Atlas dans cette Coupe du Monde 2022 ? Comment as tu vécu cette compétition ?
Pour moi cette épopée de CdM est une exception et quand je dis une exception c’est que ce n’est pas la règle. Ce que l’on a réussi à faire (depuis 1970 date de notre première participation) nous avons mit cette dernière décennie c’est tout d’abord l’implication de l’Etat ans à le faire alors que d’autres pays ont l’habitude d’accéder à ce stade de la compétition assez souvent. Quand on prend l’Allemagne qui a été sorti pour la deuxième fois consécutive lors des poules sachez qu’elle dispose du record du nombre de demi finale et finale disputées donc ce qui veut dire que notre réussite ne doit pas rester juste un exploit, il ne faut pas refaire la même erreur que celle faite après le Mondial 86, on avait pense que l’on allait décoller et au final ça n’a pas été le cas. C’est cette continuité dans la performance qu’il faut aller chercher désormais. Je vais donner un exemple, il y a quelques mois nous parlions beaucoup de l’émergence de nos joueurs : En Nesyri, Amrabat, Ounahi, Ziyech, Aguerd et finalement au mercato d’hiver à la sortie de ce Mondial nous avons eu qu’un seul transfert qui a été Ounahi à l’OM pour la somme de 8M d’euros alors que sa valeur marchande suite au Mondial était de 30M et c’est là que l’on doit se poser la question : quel est le soucis ? Et bien On doit être convaincu que le plafond que l’on a atteint aujourd’hui est le minimum. Pour moi ça reste un moment historique ce Mondial, le peuple était heureux etc mais maintenant c’est du passé. Il va falloir continuer de construire, de travailler et assurer une continuité. Quand on voit un petit pays comme la Croatie qui depuis le Mondial 98 truste les derniers jours d’une telle compétition, nous devrions prendre exemple sur eux.
D’ailleurs durant cette compétition nous avions une colonne vertébrale très importante composée de Bono, Saiss, Amrabat et En Nesyri, si tu devais définir cette axe qu’en dirais-tu ?
Pour moi il n’y a pas eut de colonne vertébrale dans cette équipe. Il y a un coach qui a demandé à ses joueurs de jouer contre nature parfois (Ziyech, Boufal par exemple) et il a maintenu son idée quelqu’en soit les circonstances et il faut avoir du cran pour pouvoir le faire. Être défensif, jouer le contre, attendre une erreur de l’adversaire ce n’est pas simple du tout. Après pour moi, sommes-nous capable de toujours jouer ainsi ? Non ! Je pense que la Coupe du Monde a été un événement particulier, exceptionnel avec une performance exceptionnelle avec des joueurs qui même blessés ont voulu jouer et c’est cette volonté des joueurs qui ont fait que tout un groupe à fonctionner. On commettrait une erreur en disant que c’est Bono ou Amrabat ou Hakimi qui a été le meilleur. Je pense qu’il y a un groupe qui a très bien assimilé ce que le coach leur demandé. Le gros chantier est là maintenant, savoir remettre les pieds sur terre et Walid Regragui l’a dit à un de mes amis, c’est maintenant que ça sera difficile mentalement. Savoir comment stimuler ses joueurs, comment les motiver pour la CAN par exemple.
Sujet d’actualité, Maroc 2030 avec une co-organisation d’un Mondial en compagnie de l’Espagne et le Portugal. Qu’en penses-tu ? Était ce la meilleure solution pour le Maroc d’accueillir cette compétition ?
Concernant l’organisation au Mondial 2030 avec le Maroc en tant que troisième pays (organisation commune avec l’Espagne et le Portugal) est pour moi une petite erreur. Avec le centenaire de l’Uruguay et leur présence dans la candidature commune avec l’Argentine et le Paraguay les chances sont minimes pour le Maroc. Selon moi le timing n’est pas bon du tout. Comme en 2018, nous savions déjà que les États Unis promettaient un gain deux fois supérieurs à ce que promettaient le Maroc. Cette insistance du Maroc à vouloir organiser le Mondial un jour est pour moi une perte d’énergie et d’argent il faudrait mieux cibler tout ça. Une Coupe du Monde ce n’est pas seulement des stades, quand on voit le Qatar qui avait qu’un seul stade (qui était à restructurer) n’a pas remporté cette organisation au hasard. Pourquoi l’a t-elle remportée ? Car il y avait une promesse de gros gain pour la FIFA, c’est le seul moyen de pouvoir convaincre la grande instance du football. Il faut arrêter de croire qu’avec le parcours effectué et la « hype » autour de la sélection nous allons remporter aisément cette organisation. Pour une Coupe du Monde tout se passe dans les coulisses vous le savez, quand Infantino va parler à des pays le discours qu’il va avoir est un discours pour les convaincre, c’est comme un discours d’un maître à ses élèves. Et on le sait le maître est la FIFA, elle a un pouvoir et une puissance que même les Nations Unis n’a pas. Donc pour finir, selon moi, la candidature 2030 est de la poudre aux yeux.
Merci Khalid Yassine pour cette interview exclusive.